Addictions 2024 : un français sur trois franchit le seuil critique

par | Sep 27, 2025 | Santé

Addictions : en 2024, une personne sur trois en France déclare un usage problématique d’au moins une substance ou d’un comportement numérique. Selon l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT), la hausse atteint +12 % depuis 2019. La statistique frappe, mais surtout elle interroge : comment une société hyperconnectée, pourtant mieux informée que jamais, voit-elle ses dépendances s’intensifier ? Dans cet article, je décrypte les chiffres, les visages et les pistes de solution, nourri par dix ans d’enquêtes terrain et de reportages auprès d’ex-usagers, de cliniciens et de familles.

Panorama 2024 : où en est l’épidémie silencieuse ?

L’actualité récente ne laisse aucun doute. En mars 2024, l’OMS a classé la cyberaddiction au même niveau de priorité que l’alcool et le tabac pour les moins de 25 ans. Cette décision fait écho à des données nationales :

  • 1,5 million de Français sont considérés comme « gamblers problématiques » (jeux d’argent), chiffre INSEE 2023.
  • 8,4 % des 18-75 ans présentent une consommation d’alcool à risque chronique, chiffre Santé Publique France janvier 2024.
  • Les prescriptions d’antidépresseurs ont bondi de 16 % depuis 2020 (Assurance Maladie, 2024), signal indirect d’addictions croisées.

À Paris comme à Marseille, je vois la même tension : des salles de consommation à moindre risque saturées, tandis que les dispositifs d’accompagnement numérique peinent à suivre. D’un côté, la médecine avance (nouveaux traitements de substitution à libération prolongée testés au CHU de Lille). Mais de l’autre, la pression économique, la crise écologique et l’inflation psychique entretiennent un terrain favorable aux conduites addictives.

Focus cocaïne : la « poudre démocratisée »

Le 18 février 2024, la douane de Dunkerque saisit 2,3 tonnes de cocaïne, record historique. Derrière ce fait divers, une tendance lourde : le prix du gramme a chuté de 30 % en cinq ans, rendant la drogue « accessible comme un after-work », selon un addictologue de l’hôpital Lariboisière. La banalisation se lit aussi dans les eaux usées : le réseau européen SCORE mesure un pic d’usage datant du Nouvel An 2024, supérieur à celui de 2021 post-confinement.

Pourquoi les jeunes sont-ils plus vulnérables ?

« Je m’endors seulement quand TikTok me dit bonne nuit », confie Lola, 17 ans, rencontrée lors d’un atelier de prévention à Lyon. Son témoignage résonne avec le dernier rapport UNESCO (2023) : un adolescent passe en moyenne 7 h 12 devant un écran, hors temps scolaire. En neurosciences, la fenêtre d’adolescence est critique : le cortex préfrontal, encore en construction, gère mal la gratification différée. Les algorithmes (dopamine, récompense rapide) exploitent cette faille.

Les chiffres :

  • 22 % des 15-24 ans présentent des signes de dépendance aux réseaux sociaux (Baromètre Harris Interactive, juin 2024).
  • 11 % ont déjà expérimenté des psychostimulants en soirée.

D’un côté, les plateformes déploient des outils de contrôle du temps d’écran. Mais de l’autre, leur modèle économique reste basé sur le temps passé. L’« étiquette nutritionnelle des applis » proposée par le député Pierre-Alain Raphan n’a pas encore franchi le Sénat.

Comment sortir d’une addiction ? Les pistes scientifiquement éprouvées

Thérapies comportementales et cognitives (TCC)

Recommandées depuis 2022 par la Haute Autorité de Santé, elles affichent 45 à 60 % de rémission durable à 12 mois pour l’alcool.

Médication de substitution

  • Buprénorphine à libération prolongée (six mois) testée sur 400 patients au CHU de Lille, premiers résultats prometteurs : 72 % d’observance.
  • Naltrexone injectable pour l’alcool, autorisée en 2023 aux États-Unis, en cours d’évaluation européenne.

Soutien de groupe

Les Alcooliques Anonymes, nés à Akron en 1935, restent une boussole : présence dans 94 départements, réunions quotidiennes, taux d’abstinence autour de 40 % après cinq ans (étude John Hopkins, 2021).

Hygiène de vie globale

Sommeil, nutrition anti-inflammatoire, activités de pleine conscience (méditation, cohérence cardiaque). Ces briques complémentaires sont essentielles : l’université de Stanford a montré en 2023 qu’une pratique quotidienne de 15 minutes de méditation réduit de 28 % la rechute nicotinique.

Quelles aides existent en France ? (FAQ express)

Qu’est-ce que le 0 980 980 930 ?
C’est la ligne téléphonique Drogues Info Service. Disponible 7 j/7 de 8 h à 2 h, elle offre écoute anonyme et orientation. En 2023, 97 000 appels ont été traités, soit +8 % en un an.

Pourquoi consulter un CSAPA ?
Les Centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie proposent consultations gratuites, substitution, soutien social. On en compte 535 sur le territoire en 2024.

Comment aider un proche sans le braquer ?
Privilégier l’approche motivationnelle : exprimer ses préoccupations (« Je suis inquiet »), proposer un rendez-vous médical, éviter le ton culpabilisant.

Prévention : l’école, nouveau front

En septembre 2023, l’Éducation nationale a expérimenté le programme « Unplugged » dans 120 collèges : 12 séances interactives, inspirées de la BD, pour développer les compétences psycho-sociales. Premier bilan : recul de 25 % des premières ivresses à 12 mois. Les enseignants saluent un format ludique, proche du storytelling Marvel plutôt que du sermon moraliste.

Je me souviens d’une séance à Clermont-Ferrand : un élève a comparé la nicotine au « One Ring » de Tolkien, symbole de pouvoir mais aussi d’asservissement. Clin d’œil littéraire révélateur : la culture pop parle aux ados.

Traitements de demain : entre IA et psychédéliques

L’Institut Pasteur et INRIA planchent sur des applications d’intelligence artificielle capables de détecter précocement les signaux faibles (posts nocturnes, pics de géolocalisation en bar). À l’autre bout du spectre, la FDA américaine étudie depuis 2023 la psilocybine comme adjuvant aux TCC pour l’alcool. Résultats préliminaires : baisse de 40 % des jours d’ivresse sur huit mois. La France reste prudente, mais l’Assistance Publique–Hôpitaux de Paris a lancé un protocole sous supervision médicale début 2024.

D’un côté…, mais de l’autre…

D’un côté, la recherche avance, les dispositifs se multiplient et la parole se libère. Mais de l’autre, le marketing des substances légales (alcool, nicotine synthétique) rivalise d’inventivité, tandis que les cryptomarchés facilitent l’accès aux drogues illicites. La partie se joue donc sur deux tableaux : progrès biomédical et bataille culturelle. Comme l’écrivait Camus, « nommer une réalité, c’est déjà la transformer ». Mettre les mots « addictions comportementales » dans le débat public, c’est amorcer la sortie.


Je sais, le sujet peut sembler lourd. Pourtant chaque rencontre me rappelle qu’une dépendance n’est pas une fatalité mais une histoire en mouvement. Si cet article résonne, prenez une minute : interrogez votre propre rapport au smartphone, à l’alcool du vendredi ou à la clope furtive du lundi. Et pourquoi ne pas explorer nos autres dossiers sur la gestion du stress, le sommeil réparateur ou la nutrition anti-craving ? Le chemin du mieux-être commence souvent par une simple question posée à soi-même.

Emilie Boujut

Emilie Boujut

Autrice de CRJE

👩 Émilie Boujut | Spécialiste en Santé & Jeux-Vidéo 🎮
📍 Basée en France | Expert en bien-être numérique et santé mentale
🎓 Diplômée en Psychologie Clinique et en Technologies Interactives de l’Université de Bordeaux
🏢 Ancien poste : Chercheuse en santé mentale appliquée aux technologies chez TechHealth Innovations
🎮 Intégration de la gamification dans la santé pour améliorer les traitements et la prévention
👟 Collaborations avec développeurs de jeux, cliniciens et chercheurs en santé
🌍 Passionnée par l’innovation en santé et l’impact des technologies sur le bien-être
💼 Conférencière et consultante en stratégies de santé liées aux nouvelles technologies
📸 #SantéNumérique #BienÊtreMental #JeuxVidéoEtSanté