Groupes sanguins décryptés: connaître son type pour sauver des vies

par | Oct 21, 2025 | Santé

Groupes sanguins : un code génétique qui peut sauver votre vie. Selon l’Organisation mondiale de la santé, près de 118 millions de dons de sang ont été collectés en 2023, mais à peine 3 % des donneurs connaissent réellement leur type ABO-Rh. Cette méconnaissance coûte des vies : un mauvais groupage multiplie par dix le risque d’accident transfusionnel sévère. Ici, nous décodons les informations sur les groupes sanguins pour répondre à la soif de vérité… et de sécurité.

Comprendre la carte d’identité sanguine

Le système ABO, décrit par Karl Landsteiner en 1901 à Vienne, repose sur la présence ou l’absence des antigènes A et B. Il est complété par le facteur Rhésus (RhD), identifié en 1940 à l’Institut Rockefeller. Résultat : huit combinaisons dominent la planète (O+, O−, A+, A−, B+, B−, AB+, AB−).

  • O+ : 38 % de la population mondiale
  • A+ : 34 %
  • B+ : 9 %
  • AB+ : 3 %
  • Phénotypes négatifs : environ 6 % (variantes géographiques marquées)

Pourquoi ce polymorphisme ? L’hypothèse du « bouclier infectieux » suggère que certains antigènes ont conféré un avantage face à la variole ou au paludisme, comme l’a montré l’équipe du Pr Garrick Wilson (Harvard, 2022). D’un côté, cette diversité protège l’espèce, mais de l’autre elle complique la logistique des banques de sang.

Un clin d’œil historique

L’armée britannique s’est, la première, organisée autour du groupage systématique dès 1943, pour les blessés de Monte Cassino. Aujourd’hui, la Croix-Rouge française réalise plus de 10 000 typages par jour, appuyée par des automates nés au C.E.A. de Grenoble.

Pourquoi connaître son groupe sanguin est crucial ?

La question revient sans cesse dans les cabinets médicaux. Voici la réponse la plus directe.

  1. Transfusion d’urgence (hémorragie post-accident)
  2. Grossesse et prévention de l’allo-immunisation fœto-maternelle
  3. Greffes d’organes et compatibilité HLA élargie
  4. Recherche clinique (essais de thérapies géniques)

En 2024, l’Agence de biomédecine rapporte que 12 % des incompatibilités de greffe rénale proviennent d’un mauvais appareillage ABO-Rh. Savoir, c’est anticiper.

Quelle différence entre A, B, AB et O ?

(Paragraphe réponse format « Qu’est-ce que… »)
Les lettres indiquent la nature du sucre fixé sur la paroi des globules rouges. Le groupe A transporte le N-acétylgalactosamine, B la galactose, AB les deux, O aucun. Le plasma contient alors les anticorps opposés : un sujet O possède des anti-A et anti-B, expliquant son rôle de donneur universel. À l’inverse, AB+ peut recevoir tous les types, car il ne contient pas d’anticorps dirigés contre A ou B.

Quelles avancées en 2024 ?

De la conversion enzymatique au sang synthétique

En janvier 2024, l’Université de Colombie-Britannique a publié dans Nature Biotechnology la transformation d’échantillons A en O grâce à une enzyme issue du Streptococcus pneumoniae. Si l’essai se généralise, il pourrait augmenter de 15 % le stock d’O universel d’ici 2030.

En parallèle, le consortium britannique RESTORE teste un sang cultivé in vitro à partir de cellules souches CD34+. Premier patient transfusé en novembre 2023 à Bristol : aucun effet indésirable après 100 jours. L’objectif : pallier les pénuries pour les phénotypes rares (Kell−, Duffy−), déjà étudiés par le National Health Service.

L’ombre et la lumière de la génétique

Le séquençage longue lecture (Oxford Nanopore) dévoile des centaines de variants du locus ABO. Bon à savoir : une mutation 261delG rend certains O apparemment « bombay » (Phénotype hh). Détectée surtout à Mumbai, cette singularité nécessite du sang compatible à moins d’un sur 10 000 donneurs. D’un côté, ces données affinent la médecine personnalisée ; mais de l’autre, elles posent un défi éthique sur le tri génétique (antécédent évoqué au Comité consultatif national d’éthique en avril 2024).

Entre légendes urbaines et preuves scientifiques

  • « Le groupe O repousse les moustiques » ? Faux. Une étude du Pasteur Institute (Dakar, 2023) montre seulement une appétence modérée mais non significative.
  • « Le groupe A est plus vulnérable à la Covid-19 » ? Nuancé. La méta-analyse du Lancet (août 2022) identifie un risque relatif de 1,16, mais l’effet disparaît après ajustement pour l’âge et le sexe.
  • « Les régimes alimentaires selon le groupe sanguin » ? Aucune publication randomisée ne valide la théorie de Peter D’Adamo (1996), rappelle l’American Heart Association en 2024.

Avant de donner ou recevoir : check-list pratique

• Vérifier son carte de groupage sanguin enregistrée deux fois (loi française de 1994)
• Réaliser un test rapide (EldonCard) en pharmacie en cas de doute
• Envisager le don de sang trimestriel si éligible (poids ≥ 50 kg, âge 18-70 ans)
• Signaler toute transfusion antérieure au médecin anesthésiste
• Conserver ses résultats génétiques si vous participez à un programme 23andMe ou Anses-Santé (ils peuvent identifier des antigènes irréguliers)

D’un côté clinique, de l’autre sociétal

D’un côté, la connaissance fine du groupage sanguin améliore la prise en charge des anémies falciformes ou des hémorragies obstétricales. De l’autre, elle influence déjà l’assurance santé : au Japon, 29 % des employeurs interrogent les candidats sur leur type ABO (sondage Mainichi, 2023), alimentant le « bura-hara », discrimination fondée sur le sang. Un rappel alerte de l’importance de l’éthique.

Mon regard de journaliste-scientifique

J’ai couvert, en 2016 à Lagos, une pénurie dramatique d’O− lors d’une flambée de fièvre Lassa. Huit ans plus tard, je vois la technologie CRISPR ouvrir la voie à des érythrocytes « universels ». Pourtant, le maillon faible reste la connaissance populaire. La science avance, mais sans vous, lecteur, aucun algorithme ne remplira les poches de sang des hôpitaux. À vous de jouer : vérifiez votre groupe, partagez l’info, explorez nos autres dossiers sur la vaccination, la nutrition et la génétique. Parce que la prochaine vie sauvée pourrait bien être la vôtre.

Emilie Boujut

Emilie Boujut

Autrice de CRJE

👩 Émilie Boujut | Spécialiste en Santé & Jeux-Vidéo 🎮
📍 Basée en France | Expert en bien-être numérique et santé mentale
🎓 Diplômée en Psychologie Clinique et en Technologies Interactives de l’Université de Bordeaux
🏢 Ancien poste : Chercheuse en santé mentale appliquée aux technologies chez TechHealth Innovations
🎮 Intégration de la gamification dans la santé pour améliorer les traitements et la prévention
👟 Collaborations avec développeurs de jeux, cliniciens et chercheurs en santé
🌍 Passionnée par l’innovation en santé et l’impact des technologies sur le bien-être
💼 Conférencière et consultante en stratégies de santé liées aux nouvelles technologies
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