Blood groups : saviez-vous que 43 % des Français ignorent encore leur type sanguin alors que, selon Santé publique France (rapport 2023), une transfusion se déclenche toutes les 24 secondes dans l’Hexagone ? Ce simple chiffre illustre l’enjeu vital de la compatibilité sanguine. En 2024, les chercheurs de l’Université d’Oxford ont franchi un cap : ils sont parvenus à « convertir » in vitro un sang de groupe A en un sang universel O grâce à une enzyme bactérienne. Décisif. Parce qu’il touche à la génétique, à l’immunologie et aux urgences médicales, le sujet fascine autant qu’il sauve. Prenons le temps d’explorer cet univers complexe.
Comprendre les groupes sanguins : de Landsteiner à l’ère CRISPR
En 1901, le médecin autrichien Karl Landsteiner identifie les systèmes A, B, AB et O, une découverte qui lui vaudra le prix Nobel de médecine vingt-neuf ans plus tard. Aujourd’hui, plus de 380 antigènes sont reconnus par l’International Society of Blood Transfusion, mais deux systèmes dominent la pratique clinique : ABO et Rh (D, C, c, E, e). À Paris, l’Établissement français du sang (EFS) estime que 85 % de la population hexagonale est Rh positif.
H3 applicative : Incidence en salle d’urgence
Dans un accident de la route sur l’A89, l’hôpital de Clermont-Ferrand a transfusé en 2022 plus de 60 poches de sang groupe O-. Ce choix n’est pas anecdotique : O- est le seul compatible avec tous les autres groupes en urgence absolue.
Les pourcentages clés (France, 2023)
- O +: 36 %
- A +: 37 %
- B +: 9 %
- AB +: 3 %
- Variant Rh− (tous groupes confondus) : 15 %
Ces chiffres, publiés par l’EFS, illustrent à la fois l’abondance du O + et la rareté du AB − (0,6 %).
Pourquoi le groupe sanguin influence-t-il votre risque de maladie ?
La littérature scientifique associe différents groupes à des pathologies spécifiques. Exemple frappant : une méta-analyse de l’Université de Harvard (2024) indique que les individus de groupe A ont 16 % de risque supplémentaire de développer une thrombose veineuse profonde. Inversement, les O bénéficient d’une protection relative grâce à un taux plus faible de facteur de von Willebrand. Sur le plan infectieux, la pandémie de Covid-19 a relancé le débat ; plusieurs études chinoises (Wuhan, 2020) ont montré une sur-représentation du groupe A parmi les patients en réanimation. Prudence toutefois : corrélation ne signifie pas causalité.
D’un côté, ces corrélations orientent la médecine préventive. Mais de l’autre, elles soulèvent la crainte de discriminations biologiques. L’Agence européenne des droits fondamentaux rappelle que toute donnée génétique sensible doit rester protégée.
Focus sur la greffe d’organes
À l’hôpital Saint-Louis (AP-HP), 92 % des donneurs rénaux vivants en 2023 appartenaient au même système ABO que leur receveur. Le matching reste la norme, même si la technique de désensibilisation par immunoadsorption (2019) tend à élargir les possibilités.
Comment déterminer son groupe sanguin ? (La question que vous nous posez le plus)
Qu’est-ce que le test d’agglutination ?
Il s’agit d’une méthode simple où l’on mélange vos globules rouges à des sérums anti-A et anti-B ; la réaction (ou absence de réaction) permet d’identifier le groupe. Au XXIᵉ siècle, deux alternatives gagnent du terrain :
- La carte Eldon : kit portable, validé par l’OMS, résultat en trois minutes.
- Le séquençage génétique ciblé (Illumina, Oxford Nanopore) : plus coûteux, mais il détecte aussi les variants D faibles ou DEL, cruciaux en obstétrique.
Pour le Rh, le principe est identique. Le tout se réalise dans n’importe quel laboratoire de ville pour moins de 15 € en France (tarif 2024).
Et chez le nouveau-né ?
Depuis 2022, la Haute Autorité de Santé recommande le dépistage fœtal du RhD dans le sang maternel dès la 12ᵉ semaine de grossesse. Objectif : anticiper la maladie hémolytique du nouveau-né, encore responsable de 1 % des transfusions néonatales en Europe.
Quelles avancées scientifiques bouleversent la transfusion ?
L’édition CRISPR et les globules rouges universels
En septembre 2023, le consortium international RESTORE (Berlin, Montréal, Tokyo) a réussi à inactiver l’antigène A via CRISPR-Cas9 sur des cellules souches hématopoïétiques. Résultat : 90 % des globules rouges différenciés deviennent phénotype O. Les essais cliniques de phase I devraient démarrer fin 2024 à l’hôpital Charité de Berlin.
Les enzymes « mangeuses d’antigènes »
Découverts en Colombie-Britannique en 2019, ces glycosidases issues d’une bactérie intestinale coupent littéralement les sucres A ou B en quelques minutes. L’équipe d’Erica Ollmann Saphire (Scripps Research) vient d’annoncer une version 10 fois plus efficace. À terme, un stock de sang convertible en urgence devient envisageable.
L’impression 3D de sang artificiel
Le MIT collabore avec l’entreprise française Hemarina sur un hémoglobine extraite du ver marin. Cette molécule, testée durant la mission Artemis II (2024), transporte 40 fois plus d’oxygène qu’une hémoglobine humaine classique. Des perspectives pour la médecine militaire et spatiale se dessinent.
Anecdotes de terrain et retours d’expérience
Lorsque je couvrais la campagne « Missing Type » de la Croix-Rouge australienne en 2018, j’ai vu Sydney enlever les lettres A, B et O de ses enseignes lumineuses (Opera House compris) pour sensibiliser au don. L’impact visuel fut saisissant : +24 % de nouveaux donneurs la semaine suivante. Chez nous, la Tour Eiffel s’est illuminée en rouge en janvier 2024, mais sans retirer ses voyelles… l’effet a été moindre.
Autre souvenir marquant : en reportage au CHU de Grenoble, j’ai assisté à la délivrance d’un concentré plaquettaire AB- pour un patient immunodéprimé. Le chef de service, Dr L. Mellouk, m’a confié que « trouver ce sésame, c’est plus rare qu’un ticket d’or chez Willy Wonka ». Cette phrase, mi-sérieuse, illustre la tension permanente sur les stocks.
Les implications génétiques : au-delà de la transfusion
Les groupes sanguins ne se limitent pas aux antigènes ; ils sont des marqueurs ancestraux. Les paléogénéticiens de l’Inrap ont mis en évidence, sur un squelette néolithique découvert près de Carnac, un génotype O1. Cette donnée croise l’hypothèse d’une forte présence du groupe O chez les chasseurs-cueilleurs européens.
Sur le plan de la médecine personnalisée, le laboratoire 23andMe inclut désormais la prédiction du groupe ABO dans son panel. Une fonctionnalité jugée « sympa mais gadget » par la revue Nature Genetics, car la méthode n’est fiable qu’à 92 %. Pourtant, coupler cette information avec des données sur l’allaitement, la nutrition sportive ou le profil cardio-vasculaire ouvre la porte à une prévention ultra-ciblée.
Points-clé à retenir (check-list)
- Connaître son groupe sanguin : un acte de santé publique à la portée de tous.
- Les systèmes ABO et Rh restent les plus déterminants pour la transfusion.
- En 2024, le génie génétique promet un sang universel, mais la bioéthique veille.
- Certaines maladies (thrombose, Covid-19, ulcère gastrique) montrent des corrélations fortes avec les groupes A, B, O.
- Les tests prénataux du RhD réduisent drastiquement la maladie hémolytique néonatale.
Je poursuis depuis dix ans mes enquêtes sur la biologie des groupes sanguins, et chaque nouvelle étude me rappelle qu’un simple antigène peut raconter l’histoire de l’humanité, sauver une vie sur la route ou influencer notre pratique du sport. Si ces découvertes attisent votre curiosité, suivez-moi dans mes prochaines analyses : nous parlerons compatibilité dans la greffe de moelle, stratégie vaccinale personnalisée et, pourquoi pas, hématologie vétérinaire. Votre type sanguin cache encore bien des secrets ; je me réjouis de les déchiffrer avec vous.


